Jean Le Boël cultive la poésie pour tous

Grand prix de poésie de l’Académie Mallarmé 2020, Jean Le Boël, auteur du recueil Jusqu’au jour (éditions Henry, janvier 2020) fait rimer poésie et partage. Entretien.

– Foire du livre : Entre l’annonce et la cérémonie de remise du prix ce vendredi, de longs mois se sont écoulés. Comment vous sentez-vous à quelques jours de recevoir cette récompense et que représente-t-elle pour vous ?
– Jean Le Boël : Depuis l’annonce jusqu’à la cérémonie de vendredi, j’ai eu le temps de digérer la nouvelle et de m’habituer à l’idée ! J’avais déjà été finaliste il y a deux ans et c’était déjà, pour l’obscur poète provincial que je suis, une reconnaissance inattendue ! Mais j’éprouve également un sentiment de culpabilité… Qui suis-je pour venir après tant de gens importants ? Comment oser écrire ensuite ?

– FDL: Vous avez eu plusieurs métiers, plusieurs vies, passant de la mécanique à la voile, de l’enseignement à la poésie ? Comment passe-t-on de l’un à l’autre et devient-on poète ?
– JLB : J’ai juste révélé le poète que chacun peut avoir en soi. Je viens d’un milieu modeste et rural. Pour payer mes études, j’ai travaillé chez un garagiste comme magasinier puis mécano à tout faire. L’attrait pour les disciplines intellectuelles m’a orienté vers l’enseignement puis l’écriture. Mais je ne voulais pas me lancer tout seul alors je l’ai fait avec le collectif Les Ecrits du nord.

– FDL: Vous êtes éditeur mais aussi romancier et poète. Que partagez-vous grâce la poésie que vous ne pourriez partager autrement, dans le roman notamment ?
– JLB : La poésie est pour moi l’état le plus accompli de la relation à la langue. La narration peut avoir un côté péremptoire auquel le poète échappe. Je préfère l’écoute à l’affirmation.

Jusqu'au jour FDL: De quel bois se chauffe un poète, il est en quête de quoi ?
– JLB : Il est en quête de l’humanité, d’autrui, de nos relations au monde, à la nature, de notre condition d’êtres humains. Je ne cours pas après l’écriture. Je pense qu’il faut écrire peu et mieux partager la verbalisation. Ce qui m’importe est de traduire les sensations des gens modestes, ceux qui ne sont pas assez écoutés. Je suis comme eux. Le poète est un homme comme les autres, habile avec la linguistique, son outil à lui.

– FDL: Tout peut-il faire faire poésie, même les choses les plus simples et banales de la vie ?
– JLB: Tout peut faire poésie oui et le mot « simple » est trompeur. Rien n’est aussi simple que cela. Prenez un objet, il a toute une histoire, des gestes qui lui sont associés, un environnement dans lequel il fait sens… On part de rien et on peut retrouver un monde. La démarche est peut-être vaine. L’idée n’est pas de déboucher sur un sens supérieur mais d’apporter sa pierre. J’essaie de ne pas écrire quelque chose qui ne puisse être compris par tous mais au contraire d’ouvrir au plus grand nombre l’accès de la poésie, ce qu’a fait Michel Baglin, poète auquel je rendrai hommage vendredi lors de la cérémonie de remise de prix.

(crédit photo : Isabelle Clement)