Les premiers pas de Sol Elias et de son chat Zeki en résidence

Après Tête de tambour (Rivages, janvier 2019), Sol Elias écrivait les premières lignes de son deuxième roman à Brive où, accompagnée de son chat Zeki, elle a découvert en juin 2019 la ville et le temps singulier de la résidence d’écriture.

Sol Elias 3 « Les premières fois sont toujours signifiantes. Je suis contente que ma première résidence d’écriture se passe ici à Brive », explique Sol Elias qui découvre avec surprise la richesse de la programmation culturelle briviste. Des concerts de jazz, un cinéma art et essai, une scène nationale, l’exposition qui l’a séduite à la chapelle Saint Libéral… « C’est non seulement la quantité des propositions, mais surtout leur qualité qui m’ont étonnée. »

Elle en profite en début de journée. Avant de se mettre au travail dans l’après-midi et surtout la soirée, souvent jusqu’à 2h du matin. Un rythme de résidence qui s’est imposé, bien loin de sa routine habituelle. « J’écris d’habitude le matin entre 9h30 et 14h30 ». Un espace de travail que cette prof de lettres en disponibilité a dû ritualiser. « Quand on devient écrivain, le temps qui se libère est à la fois formidable et effrayant. C’est déstabilisant. »

Du haut de ses 33 ans, Sol Elias a déjà eu une autre vie. Des études de lettres, l’agrégation, une vie à l’étranger en Turquie où elle a enseigné dans un lycée français. Puis un choix s’est imposé. Soit la thèse, soit le livre. C’était l’un ou l’autre. Elle avait pourtant un contrat de doctorant. Qu’importe. C’était le moment. Son oncle schizophrène lui avait dit bien des années plus tôt qu’un jour, elle écrirait le livre que lui ne pourrait écrire. Une évidence pour lui. « Il a semé sur un terrain déjà fertile. Il m’a laissé 44 ans de notes éparses comme un héritage embarrassant ».

Elle l’a repoussé des années durant jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus faire autrement. « Je n’aurais pu écrire aucun texte avant celui-ci. » Il lui en a coûté deux ans, rien que pour déchiffrer ces notes, illisibles pour la plupart. Ce n’était que le début du marathon. « Avoir l’idée, poser le premier mot, aller au bout, avoir quelque chose de suffisamment décent pour prétendre à une publication, envoyer les manuscrits, essuyer les premiers revers, persévérer, avoir un retour enfin… 5 ans se sont écoulés. » Ajouter encore 8 mois avant la publication. Penser être au bout du chemin, se rendre compte que ce n’est que le début de l’aventure, se retrouver dans un océan de livres, être « comme le saumon qui remonte la rivière ».

Sol Elias aime bien les métaphores. Elle reprend aussi celle qui veut que le livre d’un écrivain soit comme un bébé. Un bébé que la publication arrache du sein pour le donner en adoption à la foule, séparation difficile qui précède pourtant la transfiguration de « l’écrivant en écrivain. La publication adoube en quelque sorte. C’est un vrai choc. Le texte est dès lors accessible au-delà de son cercle d’initiés, à n’importe quel quidam francophone. Dès lors, il ne nous appartient plus. Il est exposé au regard, au jugement. » C’est aussi pour s’en préserver que Sol Elias a pris un pseudonyme. Elle aime bien l’idée de pouvoir distinguer la femme à la ville et celle des livres. D’autant que ce premier roman touchait des cordes sensibles. Derrière la thématique de la psychose, thème finalement encore assez peu défriché dans la sphère fictionnelle, se dessine dans Tête de tambour la question de l’héritage, la complexité des relations filiales et des différentes identités.

Son deuxième roman, « beaucoup plus romanesque et moins effrayant », elle le pensait au départ bien loin de la thématique du premier. Pourtant, Sol Elias se prend à y tirer encore les fils des identités plurielles. Il y est question de l’ascension d’une escort girl devenue escroc international, qui part de rien et qui veut tout. La trentenaire a tout en tête, elle a fait toutes les recherches nécessaires en amont de la résidence. Il ne lui reste plus qu’à trouver le liant : la narration. Elle aime la métaphore, encore une, de Michel Tournier qui rapproche l’écrivain de l’artisan. Comme lui, elle rabote et cent fois sur le métier remet son ouvrage. Elle œuvre jusqu’à ce que l’objet ne soit plus bancal, jusqu’à ce qu’il se tienne et puisse voler de ses propres ailes.

Crédit photo: Diarmid Courrèges