MICHEL MOATTI

Et tout sera silence est le titre de ce roman dont il faut impérativement parler. Michel Moatti, ancien journaliste, professeur à l’Université de Montpellier, plonge magistralement le lecteur dans l’univers du trafic des êtres humains, en particulier des jeunes femmes des pays de l’Est, sans formation, séduites par des discours habillés de promesses d’avenir meilleur.
L’appât d’un vrai travail de coiffeuse, d’esthéticienne ou encore d’hôtesse d’accueil dans de luxueux hôtels, ajouté à l’image de belles capitales telles Londres ou Paris qui résonnent dans l’imaginaire, et le tour est joué. Elles quittent leur famille, leur enfance, leur pays, le cœur gonflé d’un Eldorado qui les sortira de la misère. L’enfer est au rendez-vous. Le piège se referme dès qu’elles embarquent, la nuit, dans une camionnette quelconque qui sillonnent routes et autoroutes pendant des jours vers un no man’s land sordide où le dressage commence : des êtres humains se transforment inéluctablement en marchandises.

A Londres, Lynn Dunsday, jeune journaliste d’un media en ligne, déterminée et tenace, enquête sur la recrudescence d’attaques au couteau ou à l’arme blanche dans Londres. Indignée par la quasi-indifférence des medias sur le meurtre d’une jeune femme dans un pub de Slough, banlieue de Londres à forte immigration polonaise, elle cherche le moindre indice  jusqu’à plonger dans les méandres tentaculaires d’une affaire hors normes  qui l’entraîne dans un monde parallèle :
« Enlèvements, trafic d’êtres humains, séquestrations, abus sexuels, meurtres… Il y a un monde à côté du nôtre, invisible, effrayant, silencieux, et pourtant réel. Ca se passe aujourd’hui, en Europe, et tout le monde ferme les yeux. Alors il faut bien que quelqu’un en parle. »
La jeune enquêtrice qui vit avec un policier de Scotland Yard se heurte aussi aux silences de la police, aux limites de l’investigation, au voyeurisme dans les medias et aux fondements de son métier de journaliste : informer, malgré les menaces et périls possibles.

Le roman de Michel Moatti, thriller haletant, est mené de plume de maître, difficile de ne pas le lire d’un trait tant l’écriture est à la fois fluide et addictive. La force de l’intrigue s’appuie sur des faits réels, glaçants – le trafic d’êtres humains au XXIe siècle en Europe – que nul ne devrait ignorer et qui interrogent le lecteur confortablement installé dans les pages du roman. A mettre entre toutes les mains.

Et tout sera silence, Michel Moatti, éditions Hervé Chopin, 19 €, 319 pages.