Silence, ils lisent !

Quand sonnent les coups de 10h, comme par magie, les 514 collégiens de Cabanis sortent leur livre et lisent. Dans la classe, face à eux, leur professeur font de même. Une parenthèse hors du temps, déjà ouverte il y a 4 ans lors de la Foire du livre présidée par Danièle Sallenave qui avait initié « Le temps du livre ». A 16h, ce vendredi-là de novembre, l’espace Gazeau s’était tu durant 7 minutes et avec lui l’ensemble des visiteurs sous la halle et même les élèves de Bossuet. Dans le silence, tous lisaient. Une première en France. 

C’est après la récréation, entre 10h et 10h15, que le quart d’heure de lecture de Cabanis a été placé, prenant trois minutes sur chacune des quatre heures de cours du matin. Les ultimes trois minutes ayant été glanées sur la sonnerie reculée à 11h58. In fine, ces 15 minutes qui n’empiètent sur presque rien semblent tombées du ciel. Elles arrivent en fait du lycée Tevfik-Fikret d’Ankara où ce temps de lecture a été mis en place dès 2001 par le proviseur Ayşe Başçavuşoğlu.

Une initiative portée jusqu’en France par le cinéaste Olivier Delahaye qui l’avait découverte par hasard à la faveur d’une projection dans la capitale turque en 2015. « J’ai trouvé ça extraordinaire », confiait-il à Slate en 2016, expliquant avoir rapidement eu l’idée de se tourner vers l’Académie française. La boucle se bouclant avec une de ses pensionnaires, Danièle Sallenave, qui le contactait dès le soir-même. S’en suivirent les 7 minutes de lecture à la Foire du livre puis la création de l’association « Silence, on lit! » qui compte parmi ses ambassadeurs Alain Mabanckou.

« Ce temps de lecture est l’occasion de faire baisser la tension, de contrarier l’agitation« , expliquait l’Académicienne en 2015. Exactement ce qu’ont constaté les professeurs. « On n’a même pas besoin de demander le silence », confie un enseignant. « Après un quart d’heure de récré où on s’oxygène et on lâche la soupape, le quart d’heure de lecture permet de se poser et d’aborder plus apaisé les cours jusqu’à midi », prolonge le principal du collège Marc Bartoli. « Quand ils finissent plus tôt une évaluation, certains élèves me demandent même à sortir leur livre en attendant les autres », raconte encore une professeur d’anglais.

La clé du succès de ce dispositif qui fait l’unanimité est peut-être à chercher dans l’équilibre qu’il a su trouver : si le temps de lecture est contraint, libre est le livre lu. Roman, manga, bande dessinée ou même revue spécialisée, tout est possible ou presque !

Le vœu formé à Brive en 2015 par Danièle Sallenave semble finalement exaucé. L’idée a essaimé. En France, 700 établissements la relayent. Preuve que le temps du livre se conjugue toujours au présent. Et peut-être même au futur.